dimanche 28 septembre 2014

Brèves de comptoir

Titre

Brèves de comptoir.

Scénaristes

Jean-Michel Ribes, Jean-Marie Gourio.

Commentaire

Un patchwork de tirades sans fil conducteur mais qui ne manque pas de panache et autorise de bons éclats de rire.

1) Points forts
L'authenticité des dialogues, entendus dans de vrais cafés et ayant fait l'objet d'un livre, rend l'oeuvre tout-à-fait délectable et caractérise efficacement les personnages et les situations sans qu'il ne soit nécessaire d'en rajouter.
Quelques scènes abordent l'univers du bistro y compris à travers des moments non dits, comme cette formidable danse de la femme méprisée du tenancier du bar qui, ivre, tente de séduire un veuf alcoolique, de la pure poésie !

2) Points faibles
Alors que l'on nous vend du réalisme inspiré du monde de tous les jours, Jean-Michel Ribes dont on apprécie l'humour sociétal (Série Palace), choisit de nous placer ici dans un univers confiné, faussement insonorisé, qui plonge les situations dans une mise en scène de théâtre filmé, plus proche d'une mécanique de cinéma bien jouée que d'une véritable histoire cinématographique. L'oeuvre adopte ainsi une allure de récitation qui pèse et manque, cruellement, soit de plus poésie (comme l'aurait traité Jeunet ou Jérôme Deschamps), soit de réalisme (comme l'aurait traité la nouvelle vague canadienne).
Les scènes n'ont également que très peu de liant. Seul le rappel de l'heure de la journée tous les quart d'heure du film tente de rythmer le récit. On ne tient pas un public sans fil conducteur !

3) Le même scénario, réécrit
Sans sacrifier la qualité des répliques, il était nécessaire d'adapter le livre en ajoutant une trame narrative et organique au récit. Le personnage du patron incarné par Bénureau eut été un axe idéal pour fédérer tout ce petit monde. C'est d'ailleurs ce qui a été tenté à quelques reprises, mais le tenancier ne possède pas d'objectif, ni d'enjeu. Le plan tombe à l'eau rapidement, sauvé heureusement par la qualité des dialogues.
Pour renforcer le scénario, le bar étant situé en face d'un cimetière, et quelques-uns de ses plus fidèles clients étant liés à l'activité de ce cimetière, on aurait pu affirmer l'intérêt du patron du bistro d'entretenir sa clientèle en leur servant beaucoup à boire, mais avec le terrible enjeu de les voir finir dans le cimetière morts d'ivresse. Ce cimetière, à la fois source de revenus pour le bar, et véritable menace par laquelle chaque client alcoolique qui décède est un client de moins, aurait tenu là un enjeu dont la finalité autorisait les répliques philosophiques les plus désopilantes, sur la vie et la mort, et qui auraient terminé l'oeuvre en nous faisant, à notre tour, un peu plus mourir... de rire.

mardi 9 septembre 2014

The Lady

Titre

The Lady

Scénaristes

Rebecca Frayn.

Commentaire

Un biopic qui pêche par un manque sérieux de placements et une dualité trop manichéenne.

1) Points forts
Le rythme est sans nul doute ce qui sauve ici le scénario. Il n'y a pas d'attente malgré les manques structurels.
On appréciera aussi la progression croissante des points de tension et leur mise en évidence par des dialogues peu bavards.

2) Points faibles
Les faits ne sont pas nourris. Les enjeux sont convenus. Le dictateur est méchant mais on ne sait pas vraiment pourquoi ni ce qui le motive à rester en place. Quels sont ses intérêts ? Ses opposants sont désirés sans aucune réticence.
L'ambiance sonore et les jeux de cadre écrasent littéralement celui des comédiens et leur mise en scène. L'émotion est ainsi conduite et rend le film artificiel et attendu.
Une fois la dame élue par le peuple malgré les intimidations du dictateur, on passe à un autre enjeu qui est celui de la mort du conjoint. Cela aide certes à apporter de l'émotion mais pas à clarifier le récit. Le conjoint prend ainsi une place considérable dans l'oeuvre alors que nous ne savons rien des actions politiques que défend Aung San Suu Kyi. On dérive un peu vers un autre sujet à défaut sans doute d'avoir trouvé assez concluant le fait de voir la dame libérée et promise à un avenir politique plus serein.

3) Le même scénario, réécrit
D'abord, il conviendrait de renforcer l'empathie autour du dictateur, afin que nous comprenions les raisons qui motivent son attachement au pouvoir, ce qui renforcerait implicitement les actions et les choix engagés par l'héroïne. Il serait en effet intéressant de montrer en quoi exactement la dame a tissé une rancoeur contre ce dictateur, bien qu'on se doute évidement de la chose, mais toute action doit toujours être nourrie en dramaturgie. La dame s'engage outre le fait que cet horrible dirigeant est absolument terrifiant et meurtrier avec ses pairs. Quels sont par exemple leurs regards respectifs sur l'économie, l'éducation, la religion, et tant de sujets de société ? Il n'aurait alors pas été nécessaire de combler la baisse d'attention par le poids de la mort du conjoint.
Et donc, réduire l'impact du cancer qui ronge l'époux afin de ne pas désorienter le spectateur sur une autre problématique, qui pour le coup peine à faire le poids face à l'enjeu pour tout un peuple de gagner la démocratie. Même si cette dualité a, un moment, été soulignée, lors du dernier noeud dramaturgique, quand la dame doit choisir entre retrouver son mari mourant ou sauver son pays, mais de là à étayer la scène sur près de 20mn, ce n'est pas utile et perturbe clairement la ligne dramaturgique globale. Encore une fois, les effets et les artifices ne servent jamais une oeuvre si elle n'est pas nourrie.