mardi 18 février 2014

Micmacs à tire-l'arigot

Titre

Micamacs à tire-l'arigot.

Scénaristes

Jean-Pierre Jeunet, Guillaume Laurant.

Commentaire

Un bijou aux gadgets et répliques pittoresques mais pour lequel on mesure mal l'enjeu initial, d'où un sentiment de léger flottement qui nuit à l'intrigue. Le charme des chiffonniers compense heureusement ce pêcher scénaristique.

1) Points forts
Les détails qui caractérisent chaque personnage sont croustillants d'authenticité, même dans ce film très léché. Citons par exemple l'appétit vorace de deux trafiquants d'armes lorsqu'ils dégustent, sans le savoir, chacun de leur côté, et chacun à sa manière, un plat de crevettes. Le premier, Nicolas Thibault de Feunouillet (André Dussollier), décortique tout délicatement et méticuleusement, avant de tout engourdir par gourmandise. Le second, son rival, François Marconi (Nicolas Marié), retire cruellement la queue et la tête et avale chaque pièce, une à une, avec la peau.
Chaque personnage apparaît ainsi bien caractérisé et nourri de nombreuses manies (amour du verbe, passion de la mécanique, attention maternelle), et chaque attitude alimente de manière organique le récit. Le désir de Fracasse (Dominique Pinon), de battre son propre record de tir à l'homme canon, permet à l'équipe qui veut aider Bazil (Dani Boon) à atteindre son objectif de vengeance en installant un piège artisanal pour kidnapper les deux trafiquants.
Les auteurs ont également souhaité que Bazil, trop faible, manipule ces deux trafiquants d'armes en les amenant à s'entretuer l'un l'autre. Pour cela, les auteurs ont trouvé l'idée d'impliquer le premier trafiquant dans la mort du père de Bazil et le second dans son handicap à lui. Pour se venger, ainsi, Bazil doit atteindre les deux concurrents, simultanément, ce qui renforce la dynamique et le climax.
Le film offre enfin un double niveau de lecture. Bazil, qui se fait accompagner d'acolytes pour se réaliser représente aussi, quelque part, le réalisateur, JP Jeunet, qui s'entoure d'assistants et d'experts pour l'aider à accomplir son oeuvre.

2) Points faibles
Malheureusement, le récit souffre d'une définition des enjeux et des objectifs un peu floue. Bazil ne déclare qu'à la 38ème minute qu'il cherche celui qui a tué son père et celui qui lui a collé, à lui, une balle dans la tête, et annonce vouloir se venger. C'est tardif, et en attendant, les personnages secondaires que l'on nous présente, n'ont pas non plus d'objectif ! Bazil lui-même n'a pas d'objectif initial, autre que de tenir sa boutique de location de films ! L'action met par conséquent beaucoup de temps à démarrer. Et une fois en place, on peut se demander ce que Bazil aurait à perdre en ne se vengeant pas. En effet, l'enjeu du héros reste également un peu mince pour drainer l'ensemble du film : qu'adviendrait-il s'il décidait simplement de tout abandonner ? Rien. Le film supporte hélas assez mal ces manques de structure organique, compensés nécessairement, par une belle image, une mise en scène et des gadgets forains, dignes d'attention.

3) Le même scénario, réécrit
Première action : renforcer par quelques répliques l'objectif et l'enjeu. Par exemple, en plus de tenir sa boutique, Bazil devrait affirmer déjà un but, plus tard compris par ce qui va lui arriver, comme rencontrer l'amour parce qu"il se trouve seul, rêver d'une grande boutique parce que celle-ci est petite, etc. En plus, il faudrait montrer très tôt Bazil en train de souffrir véritablement de l'absence de son père, avant l'accident de la balle perdue dans son crâne, puis le faire rager d'avoir presque perdu la tête au point que, par exemple, le chirurgien qu'il rencontre et lui diagnostique son handicap ne puisse pas lui retirer la balle qu'il a dans le crâne tant qu'il n'en a pas identifié l'origine, obligeant Bazil à atteindre physiquement son fabriquant, pour en plus lui permettre de retrouver quelques facultés pour séduire, que bien sûr il abandonnera devant la rencontre improbable de la Môme (Julie Ferrier). Sans de tels enjeux, Bazil serait condamné.
En nourrissant également un peu plus les objectifs secondaires vers des épreuves individuelles qui les auraient tous amenés à compatir par nécessité de se venger aussi, nous aurions grandement renforcé la ligne d'action.
Mais, c'est un Jeunet, et seule sa mise en scène suffit à rassasier le bon public que nous sommes. Le désir de nourrir un récit de détails ne doit cela dit pas faire oublier la ligne d'action principale. C'est probablement ce qui conduit le réalisateur à privilégier désormais des récits déjà écrits (Spivet) qui ont déjà rencontré le succès.

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