lundi 17 février 2014

L'empire du soleil

Titre

L'empire du soleil (Empire of the sun).

Scénaristes

Tom Stoppard, Menno Meyrjes, James Graham Ballard.

Commentaire

La double histoire de camps de concentration nippons aux alentours de Shanghai lors de la seconde guerre mondiale, couplée au récit d'un enfant qui abandonne son innocence pour devenir adulte. Une épopée prometteuse et ambitieuse, bien mise en scène, qui oublie hélas qu'un objectif se nourrit aussi d'enjeux forts.

1) Points forts
La petite histoire dans la grande histoire, cela fait toujours plaisir, relate ici le besoin du petit Jim (Christian Bale, alias Batman) de survivre, en tant que jeune britannique nantis habitant de quartiers VIP de Shanghai en 1941, en pleine guerre et famine, contre le Japon. La Chine est alors présentée comme pro-occident (l'architecture et les moeurs occidentales de Shanghai sont volontairement mis en avant par le réalisateur), face à un Japon pro-nazis (l'effrayante et puissante armée qui martyrise le peuple chinois), malgré quelques nuances (l'honneur et l'intégrité sans égale du peuple japonais, la cupidité de quelques chinois et occidentaux).
On appréciera notamment les scènes à plusieurs niveaux de lecture. Par exemple, lorsque Basie (John Malkovitch), ramasse à la pèle quelques gravas aux pieds de son protégé Jim (Christian Bale), il illustre aussi son intention de le sortir du pétrin et de déblayer, quelque part, le chemin du jeune anglais dont il apprécie les manières et la possibilité de lui trouver quelques affaires. Et cette autre scène où les nantis occidentaux n'ont pas d'autre choix que de passer sur un pont pour rejoindre une fête, en croisant la foule pauvre, affamée et en pleine rébellion, faisant front à leurs costumes déplacés et extravagants, au sein de leurs voitures de luxe, dans un même et unique plan. La confrontation qui symbolise la rébellion est claire.

2) Points faibles
A cette double narration, un autre objectif vient aider notre héros à s'accomplir. Très jeune, bercé par la vue d'avions dans le ciel, admiratif, il ne cesse de vouloir un jour les toucher à défaut de pouvoir les piloter. Il se prend à jouer alors souvent d'un avion de papier, qui l'amènera face à différentes situations parfois cocasses (affront d'un groupe de militaires menaçants, perte de ses parents). C'est le travers du héros qui le conduit à perdre la raison et l'oblige à trouver le moyen de se réaliser. Mais cet objectif apparaît trop secondaire et assez peu organique. Il ne sert en fin de compte qu'à perdre le fil ou à modérer la cruauté de la guerre, et à la rendre plus poétique sans doute dans le regard de l'enfant. Le fil conducteur de l'avion de papier ne trouve en effet de réalisation que dans la vue véritable d'une attaque aérienne par le jeune Jim. L'attaque du camp de concentration où était placé le gamin, clou de l'histoire à la suite des événements d'Hiroshima, aurait pu se faire sans lui.
De même, l'enfant subit un peu beaucoup l'histoire avant de se révéler enfin, dans la dernière demie-heure. Certes, il est jeune et l'on concède que passer d'un cocon bourgeois à l'autonomie d'un aventurier adulte, il y en a des épreuves à vivre. Mais le spectateur, lui, reste en attente d'action émanant de son héros ! 

3) Le même scénario, réécrit
Pour que la démarche du jeune Jim apparaisse plus active, il aurait fallu que l'enjeu de sa mort se manifeste de manière plus menaçante encore, par des attaques répétées plus évidentes, moins suggérées. De même, pour que sa petite histoire se lie avec la grande, il aurait fallu qu'une action de sa part influe le déroulement des événements. Par exemple, son amitié avec quelques enfants japonais aurait pu attendrir de manière plus effective encore les militaires des deux parties opposées et introduire quelques conciliations réciproques. Le point de vue du réalisateur et des auteurs a bien été de rester sur le regard de l'enfant, tout en reprenant les faits réels de l'histoire, mais tous les spectateurs ne sont pas des enfants et un récit n'est pas que l'histoire. Ce film peut donc paraître long, malgré ses scènes mémorables et la sensibilité de son principal personnage.

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