lundi 29 avril 2013

Lola

Titre

Lola

Scénaristes

Jacques Demy.

Commentaire

Dans cette comédie musicale nantaise de 1961 qui a très bien vieillie, Cécile, alias Lola, se laisse embarquer dans une vie de danseuse à la cuisse légère jusqu'à ce qu'elle retrouve l'homme qu'elle avait tant aimé et qui lui a donné son enfant. Dans ce film, on découvre une oeuvre à la fois sensible, légère et bien écrite, dont pourraient bien s'inspirer nombre de nos auteurs contemporains.

1) Points forts
La profondeur du récit est renforcée par une caractérisation assez forte des personnages secondaires, bien que le jeu des comédiens demeure assez neutre. C'est dire. Ils sont si définis qu'on se demande même, à mi parcours, si le héros du film est bien Lola ou Roland, un ancien amant qui lui tourne autour. Ce dernier en effet nous est présenté comme un homme égaré depuis qu'il n'a plus revu celle-ci 15 années auparavant. Mais d'autres personnages secondaires, un peu moins nourris mais fort bien nuancés, parviennent heureusement à diluer la prégnance du rôle de cet amant, pour nous laisser comprendre que c'est Lola qui décidera finalement du sort tragique de son entourage.
A cela, les dialogues très polis, délicats et écrits, ajoutent à cette belle et légère tragédie, une élégante note de nostalgie et d'un monde rêvé, typique de son auteur Jacques Demy (Parapluies de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort).
Les quelques mélodies courtes qui surviennent enfin ne sont pas de trop. Elles ponctuent harmonieusement la mise en scène et rendent le drame un peu plus anodin, bien que la 7ème symphonie de Beethoven (entendue également dans Le discours d'un roi), amplifie le tragique dénouement des choses.

2) Points faibles
L'oeuvre n'a rien à envier à nos créations actuelles. Le seul petit reproche est sans doute d'avoir trop peu nourri l'enjeu, pour Lola, de devoir retrouver l'homme qu'elle a tant aimé. D'où certainement l'impression que nous avons de croire que c'est l'amant, mieux placé, qui conduit le fil de la narration.
Les premières scène du film également sont un peu trop écrites. Beaucoup de faits sont, dans les premières minutes, seulement racontés. L'action vécue par les comédiens est toujours préférable dans les scènes de placement. Mais elles ne durent pas, heureusement, et la véritable histoire chorale prend le dessus.

3) Le même scénario, réécrit
Jacques Demy aurait peut-être pu motiver un juste peu plus l'enjeu qui oblige Lola à retrouver le père de son enfant, elle qui était devenue si volage. Pour cela, nous aurions pu la voir lutter pour réussir à mieux éduquer cet enfant, et ne jamais être satisfaite des relations de ses nombreux amants. Mais le plaisir de découvrir ou redécouvrir ce film reste intégral, malgré ces quelques oublis scénaristiques, imperceptibles au demeurant.

Arzhur Caouissin.

dimanche 28 avril 2013

Rio

Titre

Rio

Scénaristes

Don Rhymer, Earl Richey Jones, Todd R. Jones, Joshua Sternin, Jeffrey Ventimilia, Sam Harper, Carlos Saldanha, Todd R. Jones, Earl Richey Jones.

Commentaire

Un bon divertissement qui fait découvrir les différentes facettes du Brézil et l'enjeu de la biodiversité avec un bémol. L'action repose hélas sur une suite de conflits imposée au personnage principal.

1) Points forts
Outre la qualité de l'animation, le récit nous fait découvrir de nombreux aspects de la société brésilienne (favela, forêt, argent, corruption, plaisirs, danse) à travers quelques images parfois un peu clichés mais qui nourrissent assez bien le fil principal de la narration. Le timing des actions est globalement bon. On ne s'ennuie pas.

2) Points faibles
L'enjeu et l'objectif sont hélas extérieurs au personnage principal qu'est Blu, un perroquet bleu en voie d'extinction. C'est une fondation qui en effet informe la propriétaire du perroquet de l'enjeu qu'est l'extinction de son espèce. Mais Rio, tellement domestiqué, rechigne à sortir de sa cage pour rencontrer la femelle sauvage qui aiderait à perpétuer son espèce. Ainsi, Blu subit l'action qui le pousse à l'aventure sans motivation intrinsèque. C'est seulement lorsqu'il arrive face au danger des favelas de Rio et de la jungle où il doit rencontrer sa promise qu'il commence à devenir acteur de sa propre histoire.

3) Le même scénario, réécrit
Le récit étant globalement bien rythmé et les actions secondaires bien nourries, il ne reste pas grand chose pour en faire un des meilleurs films d'animation. Il suffirait que Blu soit mis au pied du mur dès le début du récit, face à l'enjeu de la disparition de son espèce, pour qu'il décide, de lui-même, de s'engager dans l'aventure envers et contre tous. Cela aurait pu se manifester par la nécessité de se montrer paternaliste pour séduire la seule femelle de son espèce qui reste et qui était prête à s'accoupler avec un abruti d'oiseau de foire plutôt que lui, trop casanier, par exemple. Nous aurions compris la nécessité pour Blu de s'engager dans la course et apprendre à voler et à vivre dans la nature, pour séduire la femelle et perpétuer son espèce.

Comme quoi, le nombre de scénaristes ne fait pas forcément la qualité d'une oeuvre. Bien qu'ici il ait largement contribué à nourrir la qualité des actions de second plan.

Arzhur Caouissin.

samedi 27 avril 2013

L'écume des jours

Titre

L'écume des jours

Scénaristes

Michel Gondri, Luc Bossi. D'après le roman de Boris Vian.

Commentaire

Une oeuvre qui sort totalement des sentiers battus puisqu'elle reprend le fil narratif intuitif inspiré de l'univers du Jazz qui a inspiré l'oeuvre originale de Boris Vian. Ce récit, écrit à la fin de la guerre 1945, apparaît inéluctablement sombre, mais on y trouve une grande poésie et une sensibilité manifeste. Michel Gondri, assez fidèle à l'oeuvre d'origine, propose ici une écriture inventive, qui ajoute encore plus de créativité au récit initial. Une trop grande servitude à l'oeuvre rend le projet cela dit, déjà marginal en soi et difficile d'accès, parfois un peu moins digeste et donne le sentiment qu'il traîne un peu sur la longueur malgré son effort d'ingéniosité.

1) Points forts
L'originalité de s'attaquer à une oeuvre dont la structure narrative n'entre pas dans les canons habituels de l'écriture est un défit en soi, rondement mené. Les personnages sont caractérisés. Un objectif de départ est bien annoncé. Cet objectif évolue et est répété régulièrement. Malgré l'apparence ondulante du récit, la structure est évidente et rassure le spectateur.
L'originalité de chaque mise en situation ajoute, à l'audace du choix de l'oeuvre, les placements nécessaires pour le spectateur à l'acception d'une histoire rocambolesque pour laquelle on est prévenu qu'il ne faudra pas chercher à s'attacher à un objectif conventionnel. On prend alors plus facilement le film comme il vient et on l'aime ainsi.
La qualité des situations est suffisante pour compenser l'absence de structure narrative classique. On est dans un rêve, et comme dans un rêve, tout part à vau-l'eau. Mais la poésie et l'humour nous maintiennent. Donc, tout va bien.
Nous ne manquerons pas de souligner, par exemple, les intrusions répétées du cuisinier en chef incarné par Alain Chabat, dans chaque meuble de la cuisine, pour servir son hôte Omar Si. Ce qui n'est pas sans rappeler non plus, tout en respectant l'oeuvre de Vian, l'influence que les émissions de réalité actuelles peuvent avoir aujourd'hui sur notre comportement domestique (Top chef, Master Chef, etc). Une oeuvre très actuelle donc.

2) Points faibles
L'adaptation ne fait pas de compromis sur l'oeuvre originale et ses descriptions, et en cela, devient plus difficile pour captiver l'attention sur toute sa longueur. Les détails créatifs de la mise en scène agissent comme des artifices qui réveillent l'attention, mais ne suffisent pas pour faire passer l'impression d'une action qui finit par traîner le pied.
Ainsi, beaucoup de scènes coulent au fil des événements sans recherche de logique, ce qui attrire au début mais finit par devenir mécanique sur la fin.

3) Le même scénario, réécrit
Difficile de se mesurer à un auteur et un metteur en scène de la trempe de Gondri. Les objectifs de chaque personnage sont pourtant bien présents et rappelés régulièrement. Par exemple, Colin (Romin Duris) annonce qu'il doit travailler et gagner de l'argent pour financer les traitements onéreux de son épouse condamnée à mourir. Mais l'action se concentre peut-être trop longuement sur les diversions surréalistes qui émanent de la maladie de Cholé (Audrey Tautoux), mourante. La noirceur de l'environnement, non motivé par quelque raison que ce soit, puisqu'elle n'est que le reflet d'une pensée ou d'une sorte de rêve conscient, plombe un peu l'atmosphère, un peu comme dans le livre cela dit. Pour maintenir l'attention de la trame narrative, il aurait été de bon goût de sacrifier quelques-uns de ces effets macabres de description pour renforcer la ligne d'action du récit. Mais l'objectif moral de l'oeuvre serait apparu insuffisant puisque sa vocation initiale n'était pas ancrée dans une forme classique. La vraie question qui se pose est plutôt de savoir si cette oeuvre est réellement adaptable sans en réécrire une partie pour la faire entrer dans les canons de l'industrie cinématographique. En l'état, le travail de Gondri reste fidèle. Ce n'est seulement qu'une oeuvre d'art. Mais n'est-ce déjà pas un vrai chalenge ? Et rien que pour ce spectacle, le film vaut bien le détour. Le public doit juste être averti.

Arzhur Caouissin.

dimanche 7 avril 2013

Whatever works

Titre

Whatever works

Scénaristes

Woody Allen

Commentaire

Une pure oeuvre freudienne dans laquelle chacun ne se réalise que s'il couche comme bon lui semble. Un pitch bavard hélas à la française qui oublie un peu trop souvent de mettre en scène au lieu de raconter. Une oeuvre qui n'en demeure pas moins parfaitement délectable et pleine d'humour.

1) Points forts
La diversité des conflits et la pluratité des solutions sexuelles adaptées à chaque personnage du récit ratisse large et permet à chacun d'y trouver son bonheur, par procuration pourrait-on dire. Un récit qui nous ramène aux fondamentaux de la psychanalyse et apporte, dans ce sens, un bon enseignement. Les répliques sont souvent délectables car elles révèlent des points clés du comportement humain. Une oeuvre psy, dans toute sa splendeur. Quelques apartés entre le personnage principal et le spectateur offrent une lecture très théâtrale qui réveille le spectateur et le tiennent sur l'objectif moral du récit.
On appréciera aussi l'auto critique du juif neworkais et l'humour de Woody Allen, lorsqu'il donne à son personnage principal, Boris Yallnikoff (Larry David), le rôle d'un génie pragmatique juif n'hésitant pas à révéler à voix haute les clichés cyniques qu'il observe y compris sur les religions et les croyances, du monde qui l'entoure.

2) Points faibles
Les scènes sont bien trop bavardes. C'est une des grandes caractéristiques des oeuvres de Woody Allen (cf Manhattan) et cela réserve ses films parfois à une élite qui supportera de se passer de la mise en scène ou l'appréciera dans un contexte fortement dilué.
L'oeuvre subit tellement la puissance et la multiplication des scènes dialoguées et de conflits verbaux que l'auteur a dû user d'artifices pour retenir l'attention du spectateur. Le personnage principal parle de temps à autres au public en énonçant sa vision morale du monde et, indirectement, en rappelant utilement l'objectif du récit.

3) Le même scénario, réécrit
Pour gagner en efficacité, il aurait naturellement été préférable de trouver des mises en situation plus filmiques qu'orales. Par exemple, au lieu d'entendre chacun raconter ce qui le désole dans sa relation avec son conjoint, il suffisait de révéler ce conflit à travers une scène de placement qui obligerait chaque personnage à illustrer ledit conflit. Les artifices du sujet narrateur n'auraient pas été utiles, bien que toujours drôles. Pour rendre ces effets d'aparté nécessaires à la progression du récit, Woody Allen aurait pu renforcer le conflit que le dialogue avec le public, invisible pour les autres personnages du film, leur provoque. Il l'avait pourtant bien tenté sur une scène, où ses proches s'interrogent vers qui Boris peut-il bien parler, mais sans implication décisive dans la progression de l'histoire.

Arzhur Caouissin.