samedi 27 avril 2013

L'écume des jours

Titre

L'écume des jours

Scénaristes

Michel Gondri, Luc Bossi. D'après le roman de Boris Vian.

Commentaire

Une oeuvre qui sort totalement des sentiers battus puisqu'elle reprend le fil narratif intuitif inspiré de l'univers du Jazz qui a inspiré l'oeuvre originale de Boris Vian. Ce récit, écrit à la fin de la guerre 1945, apparaît inéluctablement sombre, mais on y trouve une grande poésie et une sensibilité manifeste. Michel Gondri, assez fidèle à l'oeuvre d'origine, propose ici une écriture inventive, qui ajoute encore plus de créativité au récit initial. Une trop grande servitude à l'oeuvre rend le projet cela dit, déjà marginal en soi et difficile d'accès, parfois un peu moins digeste et donne le sentiment qu'il traîne un peu sur la longueur malgré son effort d'ingéniosité.

1) Points forts
L'originalité de s'attaquer à une oeuvre dont la structure narrative n'entre pas dans les canons habituels de l'écriture est un défit en soi, rondement mené. Les personnages sont caractérisés. Un objectif de départ est bien annoncé. Cet objectif évolue et est répété régulièrement. Malgré l'apparence ondulante du récit, la structure est évidente et rassure le spectateur.
L'originalité de chaque mise en situation ajoute, à l'audace du choix de l'oeuvre, les placements nécessaires pour le spectateur à l'acception d'une histoire rocambolesque pour laquelle on est prévenu qu'il ne faudra pas chercher à s'attacher à un objectif conventionnel. On prend alors plus facilement le film comme il vient et on l'aime ainsi.
La qualité des situations est suffisante pour compenser l'absence de structure narrative classique. On est dans un rêve, et comme dans un rêve, tout part à vau-l'eau. Mais la poésie et l'humour nous maintiennent. Donc, tout va bien.
Nous ne manquerons pas de souligner, par exemple, les intrusions répétées du cuisinier en chef incarné par Alain Chabat, dans chaque meuble de la cuisine, pour servir son hôte Omar Si. Ce qui n'est pas sans rappeler non plus, tout en respectant l'oeuvre de Vian, l'influence que les émissions de réalité actuelles peuvent avoir aujourd'hui sur notre comportement domestique (Top chef, Master Chef, etc). Une oeuvre très actuelle donc.

2) Points faibles
L'adaptation ne fait pas de compromis sur l'oeuvre originale et ses descriptions, et en cela, devient plus difficile pour captiver l'attention sur toute sa longueur. Les détails créatifs de la mise en scène agissent comme des artifices qui réveillent l'attention, mais ne suffisent pas pour faire passer l'impression d'une action qui finit par traîner le pied.
Ainsi, beaucoup de scènes coulent au fil des événements sans recherche de logique, ce qui attrire au début mais finit par devenir mécanique sur la fin.

3) Le même scénario, réécrit
Difficile de se mesurer à un auteur et un metteur en scène de la trempe de Gondri. Les objectifs de chaque personnage sont pourtant bien présents et rappelés régulièrement. Par exemple, Colin (Romin Duris) annonce qu'il doit travailler et gagner de l'argent pour financer les traitements onéreux de son épouse condamnée à mourir. Mais l'action se concentre peut-être trop longuement sur les diversions surréalistes qui émanent de la maladie de Cholé (Audrey Tautoux), mourante. La noirceur de l'environnement, non motivé par quelque raison que ce soit, puisqu'elle n'est que le reflet d'une pensée ou d'une sorte de rêve conscient, plombe un peu l'atmosphère, un peu comme dans le livre cela dit. Pour maintenir l'attention de la trame narrative, il aurait été de bon goût de sacrifier quelques-uns de ces effets macabres de description pour renforcer la ligne d'action du récit. Mais l'objectif moral de l'oeuvre serait apparu insuffisant puisque sa vocation initiale n'était pas ancrée dans une forme classique. La vraie question qui se pose est plutôt de savoir si cette oeuvre est réellement adaptable sans en réécrire une partie pour la faire entrer dans les canons de l'industrie cinématographique. En l'état, le travail de Gondri reste fidèle. Ce n'est seulement qu'une oeuvre d'art. Mais n'est-ce déjà pas un vrai chalenge ? Et rien que pour ce spectacle, le film vaut bien le détour. Le public doit juste être averti.

Arzhur Caouissin.

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